« Bonjour, je suis M. Cannasucre, directeur financier de Laboîtedemouchoirs. À qui ai-je l’honneur ?
– Bonjour, je suis Mme Muffinauchocolat, une personne active et engagée, qui croque la vie à pleines dents et qui se lève chaque matin dans le but de vivre ses rêves. »
Cette phrase en dirait plus sur vous-même que n’importe quelle étiquette préfabriquée du type « Mme Muffinauchocolat, PDG de Lelivrefantastique ». Mais je vous mets au défi de trouver UNE personne qui tienne ce genre de discours lors d’un événement de réseautage.
Pourtant, comble du paradoxe, peu de gens apprécient les étiquettes. De mon point de vue, l’idée qu’on puisse réduire une personne à une fonction, un style vestimentaire, un attribut, un mot… n’est pas seulement illogique, mais assez limitatif, voire dévalorisant. Imaginez-vous décrire votre quotidien et votre histoire en une seule expression !
Durant toute votre vie, vous aurez été élève ou étudiante de, stagiaire de, employée de, ou encore fondatrice de (pour les plus téméraires) … Sans oublier qu’en dehors du bureau, vous êtes souvent fille de, femme de, mère de… On se souvient peut-être de vous car vous venez d’ici, de là, que vous appartenez à tel groupe, ou bien pour ce que vous possédez… Mais rarement pour qui vous êtes en votre for intérieur.
L’être humain peut-il exister de par lui-même ?
N’est-ce pas renier qui nous sommes au plus profond de soi que de se laisser définir selon une entité externe : que ce soit une personne (malgré tout l’amour qu’on aurait pour elle), ou encore une organisation (même si nous en avons bâti les fondations) ?
À trop répéter à longueur de temps « Je suis la femme de… » ou « Je suis gestionnaire chez… », n’allons-nous pas perdre de vue et oublier qui nous sommes et ce que nous valons en tant que simple individu ?
Une société critique et divisée
Les étiquettes impliquent un jugement, qu’il vienne des autres ou de nous-mêmes. La stratification sociale dans laquelle nous évoluons est organisée autour de classes hiérarchisées selon nos revenus, notre niveau de pouvoir, voire même l’influence de notre réseau. Nous avons tellement été conditionnés depuis notre plus tendre enfance que nous avons peur de nous mélanger aux autres, de sortir de notre zone de confort à la rencontre de « l’inconnu », du « différent ».
Vous êtes d’un côté ou l’autre de la balance. Le gris n’existe pas.
Ce monde nous impose des titres, assumés ou non, qui nous suivent durant des années, et dont il est parfois difficile de se défaire. Les étiquettes attribuent un statut ou un caractère durable à une personne, comme si on inscrivait au marqueur indélébile un attribut censé nous décrire intégralement. En gros, c’est comme si tu jouais à Heads up et qu’on te faisait la mauvaise blague de coller de la super glue au dos de ta pancarte…
L’entrepreneure, l’étudiante, la maman : qui suis-je ?